SYNTHÈSE CHIMIQUE

SYNTHÈSE CHIMIQUE
SYNTHÈSE CHIMIQUE

On définit la synthèse chimique comme l’obtention d’une espèce chimique composée à partir des corps simples. Le composé obtenu peut être soumis, dans une étape ultérieure, à une autre réaction, avec pour résultat une espèce chimique encore plus complexe. L’opération inverse est l’analyse, qui consiste à dégrader un corps composé pour obtenir des produits moins complexes et, finalement, des corps simples.

En chimie minérale, les méthodes de synthèse ne posent généralement que des problèmes techniques. Ainsi, le principe de la synthèse de l’acide nitrique à partir de l’azote atmosphérique n’avait jamais été mis en doute, mais de longs efforts ont été nécessaires pour mettre au point son application industrielle. Le développement actuel de la synthèse de composés organométalliques pose également de nombreux problèmes techniques, liés, entre autres, à l’instabilité de ces composés vis-à-vis de l’oxygène ou de l’humidité (cf. composés ORGANOMÉTALLIQUES).

En chimie organique, en raison de la complexité des structures à obtenir, se posent également des problèmes techniques délicats. Des problèmes de principe sont venus s’ajouter. Ils ont fait l’objet d’âpres discussions pendant près d’un demi-siècle et n’ont été surmontés que depuis une centaine d’années. En effet, de par sa définition initiale, la chimie organique consistait en l’étude des espèces chimiques se rencontrant dans les êtres vivants et la synthèse de ces espèces a été longtemps considérée comme impossible autrement que par la prétendue «force vitale». La célèbre synthèse de l’urée par F. Wöhler, à partir du cyanate d’ammonium (1828), a permis d’ébranler sérieusement cette doctrine (tabl. 1).

La synthèse organique

À cet intérêt historique de la synthèse organique est venu se substituer son rôle dans la vérification des structures de produits naturels (tabl. 2). Le développement des méthodes spectroscopiques a progressivement effacé cet intérêt. Au cours de ces vingt dernières années, des réactions de plus en plus sélectives ont été proposées et il semble qu’il n’existe plus de limites à la synthèse des composés organiques. Pratiquement tous les produits non naturels imaginés par les chimistes pour vérifier des lois fondamentales ont pu être synthétisés. Il en va de même pour les représentants les plus importants de toutes les classes de produits naturels: terpènes, stéroïdes, lipides (acides gras, acides arachidoniques, prostaglandines), sucres et de nombreux antibiotiques. Même la synthèse de composés à structure extrêmement complexe, comme la vitamine B12, a été réalisée et la synthèse des peptides devient une routine. Dans de nombreux cas, les produits ainsi fabriqués ont supplanté les produits extraits des substances naturelles (tabl. 3).

En raison de la complexité des molécules à obtenir et de la nécessité d’un nombre d’étapes souvent élevé, le terme de synthèse organique tend à devenir synonyme, peut-être à tort, de synthèse multistade . La plupart des molécules désirées étant polyfonctionnelles, il est nécessaire d’utiliser des groupements protecteurs pour rendre inerte un groupement fonctionnel qui ne doit pas réagir dans la réaction en cours. En raison de l’importance qu’ont pris ces groupements protecteurs et des qualités qui leur sont demandées, telles que mise en place puis enlèvement ultérieur aussi faciles que possibles, les recherches dans ce domaine sont très actives.

Liée à la notion de protection, qui est purement passive, est venue s’ajouter la notion d’équivalent synthétique . C’est ainsi qu’il n’est pas possible d’additionner le groupement acyle électrophile sur une cétone 見, 廓-éthylénique également électrophile. Toutefois, l’acétaldéhyde peut être protégé sous forme de dithianne-1,3, qui conduira facilement, par arrachement d’hydrogène en 2, à un carbanion cette fois nucléophile: le dithianne-1,3 peut donc être considéré comme un groupement acyle nucléophile masqué. Le terme de umpolung (inversion de la polarité) a été introduit pour rendre compte de cette possibilité. Le dithianne-1,3 est aussi l’exemple d’un synthon , terme fréquemment utilisé pour décrire les pierres angulaires de l’édifice moléculaire à construire, et qui devront avoir les potentialités pour une opération synthétique spécifique. Dans tout projet de synthèse, les éléments de stéréochimie doivent être consi dérés avec le plus grand soin [cf. STÉRÉOCHIMIE]. Lorsque plusieurs diastéréo-isomères sont possibles, on cherchera à obtenir majoritairement celui qui est désiré: on parlera alors de réaction diastéréosélective . Les produits naturels sont généralement des composés chiraux existant sous forme d’un seul énantiomère doué d’activité optique. Les méthodes de synthèse classique conduisent au mélange racémique des deux énantiomères, à partir duquel il est souvent difficile d’obtenir un énantiomère pur. Aussi fait-on de plus en plus appel à la synthèse asymétrique , permettant par des réactions énantiosélectives d’obtenir majoritairement un des deux énantiomères. Pour ce faire, il faut obligatoirement la participation d’une substance chirale: le substrat de départ, le réactif ou le catalyseur. La réaction sera caractérisée par son pourcentage d’e.e. (excès énantiomérique): 80 p. 100 d’excès énantiomérique correspondant à la formation de 90 p. 100 d’un énantiomère et de 10 p. 100 de l’autre. La méthode idéale est évidemment celle qui utilise, comme substance chirale (optiquement active), un catalyseur chiral, puisque, théoriquement, elle pourra conduire à une quantité illimitée de produit. Considérés comme relevant de la plus pure utopie il y a moins de trente ans, des excès énantiomériques supérieurs à 90 p. 100 sont maintenant courants. C’est essentiellement par l’utilisation, comme catalyseurs, de métaux de transition complexés par des substances chirales que les meilleurs résultats ont été obtenus. L’idée générale, pour qu’une telle synthèse soit efficace, est que le catalyseur chiral doit assurer un état de transition aussi rigide que possible, les deux faces d’attaque permises par le réactif pouvant alors être très différenciées. On rejoint, évidemment, le principe de la catalyse enzymatique, qui synthétise les molécules de la vie avec des excès énantiomériques de 100 p. 100. Les enzymes peuvent d’ailleurs être utilisées en synthèse organique, sous forme pure, ou en employant des micro-organismes qui les contiennent dans des processus dits de biotransformations , dont certains sont déjà très efficaces.

Plan de synthèse

L’établissement du plan de synthèse d’une molécule complexe constitue un des défis intellectuels les plus excitants pour le chimiste organicien. Cet exercice demande beaucoup d’imagination, mais aussi une grande connaissance des réactions, des réactifs et substrats utilisables et de la sélectivité espérée pour chaque étape: chimiosélectivité (différenciation des groupements fonctionnels), régiosélectivité (attaque sélective des groupements fonctionnels) et stéréosélectivité. Pour préparer un plan de synthèse, on fait appel à la rétrosynthèse , qui consiste à disséquer la molécule cible en fragments de plus en plus simples, jusqu’aux substrats de départ facilement accessibles. On utilise la méthode de disconnexion des liaisons, en essayant d’imaginer, lors de la synthèse proprement dite, quelles seront les liaisons formées le plus facilement et le plus sélectivement. En raison de la multiplicité des solutions existant a priori, c’est lors de cette étude préliminaire que le chimiste devra exercer toute sa sagacité. Pour choisir la meilleure stratégie à adopter, il pourra toutefois s’appuyer sur quelques règles, parmi lesquelles: nécessité de bien reconnaître les intermédiaires clés qui pourront constituer des plaques tournantes pour la synthèse de cibles de structures voisines; utilisation du minimum d’étapes, en privilégiant une synthèse convergente (construction indépendante d’éléments structuraux réunis aussi tard que possible); préférence donnée à un processus intramoléculaire permettant un meilleur contrôle stéréochimique plutôt qu’à un processus intermoléculaire. Dans de nombreux cas, la synthèse multistade a été à l’origine de découvertes et a contribué à de nouveaux développements, qu’il s’agisse de concepts (analyse conformationnelle, règles de Woodward-Hoffmann), de méthodes générales (photochimie, catalyse homogène, chimie radicalaire, biotransformation, assistance de l’ordinateur), de réactions (A. J. Birch, G. Wittig, H. C. Brown), de réactifs (issus de la chimie inorganique ou utilisant des éléments jusque-là peu utilisés tels que P, Si, B, Se), de conditions expérimentales (solvants aprotiques polaires basiques, éthers couronne et cryptates, catalyse par transfert de phase).

Intérêt pratique de la synthèse chimique

Les produits purement synthétiques forment l’immense majorité des composés que l’on retrouve dans notre environnement quotidien. Les tableaux 3 et 4 montrent schématiquement les principales étapes ayant conduit aux développements actuels (cf. CHIMIE – Industries chimiques). On distingue la chimie lourde , qui fabrique essentiellement des produits intermédiaires ou auxiliaires, pour son propre compte, pour celui de la chimie fine ou pour des industries de transformation en produits de consommation, tels que monomères et autres produits de base pour les élastomères, les fibres et les matières plastiques, solvants pour les peintures et les vernis, plastifiants pour les matières plastiques, etc.

Dans le domaine de la synthèse proprement dite, la chimie lourde n’innove plus guère en matière de structure moléculaire. En revanche, dans le domaine de la chimie fine , c’est sur la synthèse de nouveaux composés que se portent les efforts de recherche dans les industries fabriquant des spécialités. Les tonnages étant plus limités, les produits peuvent supporter des coûts unitaires élevés, mais ils doivent satisfaire à des besoins très spécifiques: matières colorantes adaptées aux textiles synthétiques, pesticides (herbicides, fongicides et insecticides) plus sélectifs et moins dommageables pour l’environnement naturel, bases de parfums en remplacement des sources naturelles peu accessibles ou épuisées. Mais c’est probablement dans le domaine de l’industrie pharmaceutique que le chimiste de synthèse sera le plus à même d’exercer ses talents, soit par la mise au point de médicaments à la fois plus actifs et mieux tolérés par l’organisme, soit par la recherche de nouvelles molécules actives dans des domaines encore mal couverts, tels que maladies virales ou cancers, où des résultats non négligeables ont déjà été enregistrés.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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